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Les nouvelles mesures réglementaires en faveur des piétons feront-elles baisser leur mortalité ?

Publié le 8 janvier 2019

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Pour la première fois depuis quelques années, faisant le triste constat d’une mortalité piétonne en augmentation conjuguée à un vieillissement de la population, le Comité interministériel de la sécurité routière du 9 janvier 2018 avait retenu parmi ses mesures, une en faveur des piétons, la mesure 9. Cette mesure comportait deux volets : une augmentation des sanctions pour ceux qui ne respectent pas ces usagers vulnérables et une adaptation des infrastructures routières.

Le décret n° 2018-795 du 17 septembre 2018 relatif à la sécurité routière publié au Journal officiel du 18 septembre 2018 a concrétisé le premier volet en permettant, d’une part, la constatation sans interception, notamment par vidéo-verbalisation, des infractions liées au non-respect des règles de priorité de passage accordées par le code de la route aux piétons et, d’autre part, en renforçant les sanctions contre un conducteur qui a commis une telle infraction, en passant à compter du 1er janvier 2019 le retrait de points de 4 à 6 ce qui souligne sa gravité.

Si ce premier volet peut concourir à un meilleur respect du passage piéton par les automobilistes, il n’est pas assuré qu’il réduise l’accidentalité des piétons. En effet, l’analyse de ces accidents a montré que dans la plupart de cas, ce qui est pris pour un non–respect est en réalité un défaut de détection du piéton dans son intention de traverser. Dans bien des déclarations dans les procès-verbaux d’accident, l’automobiliste déclare qu’il n’a pas vu le piéton et il est dommage que l’on ne croit pas à sa bonne foi. Les quatre dysfonctionnements d’un passage piéton sont : une visibilité insuffisante du piéton en attente de sa traversée et durant sa traversée, particulièrement la nuit, une vitesse d’approche des véhicules trop rapide, une distance de traversée trop longue et un défaut d’entretien du marquage souvent effacé.

L’augmentation de la sanction du non-respect du passage piéton n’est donc pas une réponse appropriée. Aucune évaluation n’a permis de valider l’efficacité d’aggraver les sanctions à une infraction sauf à en augmenter significativement les contrôles.

Sanctionner l’automobiliste en l’espèce est une mesure facile alors qu’une mesure efficace comme celle d’augmenter la visibilité des piétons en repensant l’aménagement des abords immédiats, des passages piétons. Ce deuxième volet de la mesure 9 du CISR risque de se faire attendre. En effet, le plan d’action pour les mobilités actives dit (PAMA) prévoyait déjà d’insérer dans le code de la voirie routière l’article de loi sur cette question sous la rédaction suivante :

« Afin d’assurer la sécurité des cheminements des piétons en établissant une meilleure visibilité mutuelle entre ces derniers et les véhicules circulant sur la chaussée, aucun emplacement de stationnement ne peut être aménagé, sur la chaussée cinq mètres en amont des passages piétons, sauf si cet emplacement est réservé aux cycles et cycles à pédalage assisté. ».

Cet article lors des discussions en 2015, fut supprimé par les parlementaires sous la pression des maires. Il a été réintroduit, suite aux assises de la mobilité qui se sont tenues fin 2017, dans une première version du projet de loi d’orientation sur les mobilités. Il a de nouveau disparu dans le projet qui sera présenté au Parlement en début 2019. De même, la décision prévue au CISR de matérialiser une ligne d’effet des passages piétons jusqu’à cinq mètres en amont de ceux-ci pour indiquer l’endroit où les véhicules doivent s’arrêter pour laisser traverser les piétons, n’est toujours pas prise alors que celle d’autoriser (certes à titre expérimental) des marquages tridimensionnels pour réaliser un passage piéton a été accordée. Or c’est un gadget adopté nulle part ailleurs, qui est surtout de nature à plaire aux médias par son originalité mais qui ne correspond à aucune fonctionnalité sécuritaire à l’inverse de la ligne d’arrêt à cinq mètres qui assure la visibilité des piétons traversant et qui est réalisée depuis des décennies dans de nombreux pays.

Si l’insécurité routière a une forte composante liée au comportement, ce dernier est largement induit par l’aménagement qui est proposé. Une culture de sécurité routière comprend ces deux éléments dont la complémentarité indispensable est mise à mal par la répartition actuelle des compétences ministérielles qui a conduit à délaisser la culture de la sécurité des routes et des rues.

Christian MACHU